Aime-toi

Illustration par Alma

N’accroche pas ton amour à mon acte de naissance.

Je trouve ça triste !

Ça me fait mal.

Même si tu veux me défendre

Même si tu veux qu’on me regarde dans les yeux.

Je ne veux pas de ça entre nous.

Tu sais,

Être né dans la guerre ne te garantit pas l’héroïsme.

Ni même la sagesse.

Ce n’est pas le fait d’être mort en bateau,

Ressuscité, et nourri par l’aube

Qui fait de toi une personne sensible. Humaine.

Tu me regardes avec admiration parce que j’ai souffert.

Mais la souffrance en tant que telle ne nous apprend rien.

Bien sûr, j’ai appris plus vite la valeur de l’eau.

La peur d’être braqué dans toutes les rues du monde.

Les gangs et vos flics sont deux faces de médaille,

Trempées dans l’acide.

Je sais que tu m’aimes.

Mais tu n’as pas à te sentir coupable

D’être née dans l’amour.

Avec toi, j’ai appris à aimer la mer.

Du côté de la plage. Du côté du plaisir.

J’ai eu tellement de chance de te rencontrer…

Arrête.

Ne te sens pas coupable d’être blanche.

Ça ne me sert à rien.

Tu répètes à tous ceux qui passent que la couleur de peau n’a pas d’importance

Mais je peux entendre tes pensées te dévorer le soir

Comme les insectes du désert.

Je déteste quand tu te fais du mal.

Quand tu t’enfermes dans un endroit lointain,

Dans une cage d’air libre où je ne peux plus t’aider.

Dis,

Tu m’aimerais toujours si je me peignais de blanc ?

Parce que des fois, j’ai peur.

J’ai peur que tu meures sous tes étiquettes.

Et que plus personne ne puisse te voir

Comme je te vois à cet instant.

Oui.

Parfois mon pays me manque.

Si tu le connaissais, il te manquerait aussi.

Mais ma maison, la vraie, n’a pas besoin de murs

Ni de racines. Ma maison, c’est là où je choisis d’aimer

C’est là où je choisis de construire.

Et je t’aime.

Je t’aime pour ta façon de raconter le monde

Avec ta propre voix.

Alors aime-toi !

Aime-toi autant que tu m’aimes.