Gaston, le patron du Chat Bleu


Tenancier-propriétaire du Chat Bleu, figure incontournable de la nuit nantaise



"Gas", vu par Alma



Dehors, torse nu et noir, le géant se mit à passer l’éponge sur l’enseigne. Equilibriste, pied tendu. Le tabouret quasi immobile. Il frottait dessus avec du savon couleur mare, grillé par l’effort. C’est qu’il faisait ça tous les jours. Il y tenait. Apparemment un truc familial. Moi, j’étais bien. À l’abri sur une banquette du bar, l’œil tourné vers lui : je mesurais en pensée la température. Il faisait bon dehors, il faisait même pas mal. Mais c’est là que l’humidité coutumière du pays veniva a fregarti. À la mi-octobre, Nantes essuyait les déluges. Les gens s’entassaient dans les gueules du tram, immédiatement avalés par son soupir électrique. Et d’un coup c’est toute la Fnac qui sent le blouson trempé.

J’ai passé en revue les pochettes disques, les livres Blu-ray. De Tarantino à Zola mon cerveau humait du nez, prenait la pose, mais y’avait rien dedans. Sorti du magasin, j’ai piqué un sprint. Enjambée, vol au-dessus de la lignée de rames, petit pas d’entre les flaques. Leste. Serré. Et puis enfin, le Chat Bleu. Ses lanternes rondes de papier, ses urinoirs baroques. Le temps de commander un chocolat, et déjà Gas sortait pour accomplir son vieux rituel. C’est le moment où tu pouvais voir la différence ; entre les habitués et les bleus du Bleu. Jeux de sourcils, murmures, questions, regards. Et quand il enlevait le T-shirt et qu’il prenait le seau, quelques raclements de chaise hésitants accompagnaient son geste. Je dois dire, il s’en foutait. Gaston était le type joyeux. Pour lui, ça faisait aussi partie de l’hommage, comme la pluie sur le torse, comme le vent dans l’omoplate ; tout servait l’acte. Il y avait partout de la gratitude. 

Le Nécrocide, p. 1

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