La soupe des privilèges








On m’a appris que la parole juste, la parole valable, la parole qui compte,
Dépendait de la présence ou non
D’une bite.

Ainsi, les garçons m’ont raillé pour l’avoir trop petite.
Les filles, plus tard, m’ont discrédité pour le fait d’en avoir une.

Toute la valeur de ma parole est reliée à ce petit bout de saucisse,
Immonde.

On m’a appris que ma peau blanche faisait de moi un dominateur
Mais étais-je dominateur quand mes iris, sortis de Sardaigne,
Se faisaient cramer dans la pluie
Par les poings et les langues ?

On m’a appris que le fait de me sentir bien en tant que garçon
(Dans un corps de garçon)
Disqualifiait ma souffrance.
Mais pourtant,
Même en tant que détritus au classement 
De la misère humaine,
La souffrance me couve toujours.
Derrière le podium.

Si j’aime être un garçon, j’ai détesté mon ventre mou,
Mes rondeurs loin des magazines.
J’ai détesté ne pas savoir charmer comme un fumeur,
Comme un kool kid,
Comme un jeune idéal.
J’ai détesté être seul sur mon matelas,
Tandis que mon meilleur ami faisait l’amour avec sa copine
Dans la tente d’à côté.

C'est évident,
Ce poème est inscrit sur un appareil électronique
Forgé par des esclaves.
Avec ma bite non sectionnée,
Avec ma solitude,
Avec ma peau de rital,
Avec ma culpabilité,
Avec mes épluchures dans la poubelle noire,
Avec mes rêves qui voudraient vivre.

Tout cela a-t-il une valeur ?
Ou est-ce juste le souffle d’un réac, d’un destiné à l’abîme ?

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